BIOGRAPHIE
FRANCK LANDRON
Franck Landron est photographe au sens étymologique du terme : écrire avec la lumière.
Ce qu’il a à dire du monde il le dit en images. A 13 ans, il a son premier choc esthétique avec
Man Ray et commence à réaliser des rayogrammes.
Auparavant, il cite Erwin Blumenfeld – dont il lit Jadis et naguère, Brassaï, et André Kertesz
duquel il empruntera l’esthétique des distorsions dans un de ses films de fiction. Il lit aussi
assidûment la revue « Photo ». En 1973, il visite une exposition de Van Gogh et en sort «
transformé », ce que le peintre parvient à transfigurer sur une toile le frappe. Il entrevoit la
puissance d’expression de l’art et dans une projection prémonitoire pose l’objectif de son
oeuvre : « Je me suis décidé très jeune de photographier toutes les images du film qui
défileraient dans ma tête au moment de ma mort ».
Pour répondre à cet impératif, il s’empare de tous les sujets même si à l’instar d‘autres
photographes précoces, il débute avec ce qui l’entoure : les membres de sa famille, les amis, le
garage du père et les carcasses de voitures, les années étudiantes et leur lot de cocasseries… Et
puis les vacances entre amis, sources de fanfaronnades et les filles, grand sujet d’attention, qui
ne sont jamais très loin non plus.
Très tôt, il est attiré par les possibilités du cinéma, construire et raconter une histoire en images,
la sienne. A l’externat, il est responsable du ciné-club et en parallèle de l’usage déjà régulier de
l’appareil photographique, il commence à filmer en Super 8. Il aspire à travailler dans le milieu
cinématographique mais le rêve paraît inaccessible. Et alors que sa famille le voit plutôt
ingénieur dans la suite de son bac scientifique, Franck Landron propose de devenir architecte.
Le compromis est rassurant et l’architecture convoque des connaissances scientifiques. Il entre
donc aux Beaux-Arts de Paris en section architecture. A sa sortie, l’envie de cinéma est toujours
très forte et il intègre Louis Lumière en prise de vue cinématographique en 1980.
Durant ces années, l’appareil photographique est toujours à portée de main. Tout fait sujet : les
début professionnels dans le cinéma, son mariage, les naissances de ses enfants, les décès, les
nombreux voyages, Paris où il vit désormais et ses habitants, les arbres, les corps, les sdf… la
liste est surtout non exhaustive, infinie, incommensurable. L’entreprise de fabriquer toutes les
images du film qui défileraient dans sa tête au moment de sa mort est déjà bien à l’oeuvre et il n’arrêtera
jamais.
La tentation de qualifier cette somme d’images en un journal photographique fait-elle
sens ? A désormais 67 ans, et environ 400 000 images, le « journal » est et supposerait qu’il n’y
ait qu'un flux quotidien sans construction, sans recherche plastique, une retranscription «
technique » de la réalité. Même s’il affirme ne jamais sortir sans son appareil, photographier
c’est toujours choisir et donc in fine renoncer. Renoncer signifie oublier. Pour quelqu’un qui
déclare ne pas distinguer le rêve de la réalité, quelle est la « véritable » photographie ? Celle qu’il
a prise ou celle qu’il a rêvé ?
In fine, la distinction importe peu car il rêve ses images et les images qu’il réalise nourrissent ses
rêves. L’épée de Damoclès des images du film qui défileraient…le contraint à écrire sa vie
quotidienne en images. Cependant loin de se contenter du souvenir témoin, les photographies
prennent des formes très diverses, et c’est là où son art intervient.
Ses images sont le fruit de ses multiples formations initiales d’abord aux Beaux-Arts de Paris et
Louis Lumière bien qu’il se considère autodidacte. Des années à bricoler au garage avec son
père et à désosser les voitures, il garde le goût et la science de tout démonter pour comprendre
le fonctionnement des mécanismes et des optiques. Toutes ces approches réunies lui apportent
technicité, sens du cadre et de la lumière ; maîtrise des arts plastiques : résine, sérigraphie,
peinture, encres, dessin, pastels… et des techniques photographiques. Inlassable
expérimentateur, il rapporte du monde entier des papiers spéciaux en fibres naturels artisanaux
sur lesquels il pratique des oeuvres hybrides tirées main ou en jet d’encre ; sérigraphiées,
réhaussées à la main à l’aide de pigments, aquarelle, résine, acrylique… Il ne s’interdit rien pour
restituer le sujet de son image au plus juste. En constant apprentissage, son laboratoire est un
lieu de recherche où les ouvrages techniques voisinent avec une collection d’outils, d’objectifs,
d’agrandisseurs, de pinceaux, de papiers, d’imprimantes… innombrables. Les outils des débuts
de la photographie cohabitent aisément avec le matériel digital dernier cri et la littérature
photographique accompagne cette soif d’apprendre.
Une contradiction cependant : contrairement à d’autres photographes impatients de voir leurs
images prendre forme, Franck Landron les gardent longtemps, très longtemps sans les
développer. L’acte de photographier lui suffit, les images sont là, elles existent : « pendant
quarante ans je n’ai pas fait de tirages de mes photos. C’est encore le cas aujourd’hui, ce dont
j’ai besoin, c’est de prendre des images. »
L’explication est trop simple pour s’en contenter surtout qu’il effectue environ un millier de
prises de vues par mois. L’appareil photographique en fidèle et discret complice du
photographe, enregistre le pire et le meilleur. Franck Landron ne triche pas. Il ne cherche pas à
enjoliver sa vie, à paraître sous son meilleur jour, fait rare pour un artiste de sa génération. En
cela, il est un homme contemporain ne cédant pas à la complaisance narcissique possible du
médium. Pour chaque sujet, il recherche la vérité de ce qu’il voit et ressent. L’important n’est
pas dans la vérité de l’instant – quête revendiquée par beaucoup de photographes – mais dans sa
propre vérité à lui, de photographe pas de l’objet photographié. Le déplacement sémantique est
assez rare pour être notifié. De ce fait, il est assez précurseur en la matière et l’oeuvre restée
longtemps à l’abri des regards lui confère une authenticité singulière. Bien qu’il soit possible de
l’affilier de part sa démarche en partie autobiographique, à certains auteurs tels que JH Lartigue,
Nobuyoshi Araki, Dieter Appelt, Nan Goldin, Bernard Plossu aucun rapprochement plastique
n’est possible. Landron fait oeuvre de son propre temps. Au début des années 70, les artistes se
penchent davantage sur eux-mêmes et leur propre corps après des années d’abstraction et de
pop art. Robert Rauschenberg parle de « combler le trou qui se trouve entre l’art et la vie ». Le
photographe laisse derrière lui l'héritage documentaire et la vision naturaliste pour faire entrer
la vie dans son art.
Avec cette approche, comment retenir le monde qui va? Cet habitat changeant
incessamment dans lequel il vit et photographie. Justement en bougeant avec lui ; en acceptant
d’être changé avec lui, par lui. Chaque prise de vue est un commencement. Les images gardées
en sommeil préservent l’artiste de se revoir et de se satisfaire. Il n’y a rien de déjà accompli,
l’image de la minute qui suit est la plus importante car dans cette minute, il accepte de ne pas
savoir si elle sera photographiée ou pas. Il se rend disponible. Je fais des photos car cela m’aide à voir.
Je fais des films pour comprendre. A l’heure de la catégorisation frénétique, l’oeuvre de Franck
Landron glisse entre les définitions. « Je fais des photos pour me souvenir que je l’ai vécu. (…)
Au moment où ces lignes s’écrivent d’autres images naissent dont nous n’aurons peut-être
jamais connaissance. Verront-elles un jour la lumière du jour ?
Selma Bella Zarhloul
Expositions Monographiques
- In Time Le Champ des Impossibles, Perche, avril 2024
- Les arbres galerie des photographes, Paris, octobre 2023
- Japon, Gilly les Citauxm, 2023
- Ex-Time, festival du Regard, Cergy Pontoise, octobre-novembre 2021
- Ex-Time , festival Voies Off, Arles 2019
- Ghost, Loft Photo, Bruxelles, 2017
- Out Time, Galerie Binôme, Paris, 2015
- Ex-Time, Maison de la Photographie Robert Doisneau, Gentilly, 2015
Expositions Collectives
- Et nos morts?, Maison de la Photographie Robert Doisneau, Gentilly, 2023
- Zazkely sur une invitation de Pierrot Men, Galerie Argentic, 2019
- Tous a la plage exposition collective à la galerie 1Cube, Marseille 2018
- Selfie, Brandts Museaum, Odense, Danemark 2015
- L’art et l’arbre, Château de Nieuil, France 2014
- Emulsions, Galerie La Carpe, Aubeterre/ Dronne, 2014
- Végétal, Galerie La Ralentie, Paris 2012
Livres
- In Time, éditions Loco 2024
- Nouvelle photographie française 70, sous la direction de Claude Nori, éditions Contrejour 2022
- Photographie, sous la direction de Jean Christophe Béchet, éditions E/P/A 2022
- Tree live, Edition Bessart 2022
- Franck Landron Photofake (pastiche du Photopoche), 2021
- Twenty Six Ceramic Fountains, auto-édition 2021
- Ghost, auto-édition 2017
- Ex Time, Éditions Contrejour, 2015
- Eyemazing, the new collectible art photography, Thames & Hudson, Seigensha Art Publishing Inc. Japon 2013
- Trees, Editions de l’Œil, 2012
- Tree, Galerie La Ralentie, Paris, 2012 Journal, Centre Iris pour la Photographie, Paris 2009
- Tsukiji, le plus grand marché aux poissons du monde, Agnès Viénot Editions 200
Formations
- 1982 École Nationale Supérieure Louis-Lumière, cinéma et prises de vue
- 1977 Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, section architecture
collections publiques
- Musée Français de la Photographie, Bièvres
- Maison Européenne de la photographie, Paris
- Musée Niépce, Chalon-Sur-Saône
documentaires
- William Klein, Photobook New York 2023
- Jane Evelyn Atwood Photobook rue des Lombards, 2023
- Limites, Antoine D’agata, 2019, 1h20′
- Bernard Plossu, 52’ 2020
- Pierrot Men, 52’ 2020
- William Ropp, Open your eyes. 2014, 52’
- La photographie imprimée , 2014, 52 ‘
- Claude Nori, un flirt photographique, 2013, 52 ‘
- Philippe Bordas, Un photographe à poing nus, 2012, 52’
- Sabine Weiss, Une vie de photographe, 2011, 52’
- Paris-Tokyo, 2011, 52’
- François Dupeyron au travail, 2004, 52’